Du 8 au 11 octobre dernier, un groupe de grimpeurs de l’ASPALA est parti au Caroux, pour la grande aventure… du terrain d’aventure !
Cette sortie, encadrée par Thierry (initiateur alpinisme de la FFME), réunissait Vincent, Seb et Simon, avec pour objectif une initiation à l’escalade dite de « terrain d’aventure », dite aussi « TA ».
D’emblée, il faut préciser que cette sortie a été rendue possible grâce au financement accordé par la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade dans le cadre d’un appel à projet pour le développement de la « multiactivités » auquel l’ASPALA avait répondu en 2019. Grâce à cette aide, le club a pu investir pour acquérir le matériel nécessaire sur ce type de terrain : corde à double, coinceurs, friends…
Le terrain d’aventure (« TA ») en escalade, c’est quoi exactement ? Selon la définition officielle « Ce sont des falaises ou parois non équipées à demeure ou équipées de manière aléatoire, sans vérification. Ce sont les terrains de pratique qui nécessitent la plus grande compétence de la part du grimpeur car il doit en effet placer et évaluer tout ou partie de ses protections ».
Le terrain d’aventure c’est donc à la fois un lieu de pratique et une manière de pratiquer. Contrairement aux sites équipés « sportifs », on ne trouve pas ou peu de points de protections à demeure (spits, goujons, broches, pitons…) et peu ou pas de relais en place dans le terrain d’aventure. Il faut donc placer le matériel qu’on emporte avec soi pour sécuriser son ascension : des friends, des câblés, des pitons, etc. Dans bien des cas le jeu consiste davantage à réinventer un itinéraire, que de trouver la solution technique d’un passage.
Grimper en terrain d’aventure nécessite un plus fort engagement de la part du grimpeur qu’en site sportif et implique l’apprentissage de techniques spécifiques qui vont au-delà des manips habituelles de grande voie.
Pour s’initier au terrain d’aventure, on ne peut pas trouver de site plus idéal que celui du Caroux ! Le Caroux est un des sites majeurs du TA en France. Conventionné partiellement avec la FFME et situé en plein cœur du parc naturel régional du Haut-Languedoc, au nord du département de l’Hérault, le Caroux fait partie des « grands sites d’escalade » par ses dimensions, sa beauté, mais aussi son histoire (on y grimpe depuis les années 20 !). On y trouve des centaines de voies, dont une grande majorité en TA intégral ou en semi-TA (c’est-à-dire avec un équipement partiel). Le rocher est un gneiss compact de grande qualité et fissuré permettant le placement efficace de protections.
1er jour
Pour débuter en TA, il vaut mieux se familiariser avec le matériel, s’initier au bon placement et ne pas se mettre « la rate au court-bouillon » en s’engageant dans des voies pas du tout équipées. C’est pourquoi nous choisissons pour ce premier jour de partir sur une voie en semi-TA.
Le choix se porte sur l’arête nord-est de la Tête de Braque dans les gorges d’Héric. La tête de Braque c’est une arête de 6 longueurs, d’un niveau 4b max / 4b oblig (AD), pas trop mal équipée mais avec des points suffisamment espacés pour s’essayer à la pose des coinceurs en toute sécurité.
Avant de partir, un petit briefing s’impose sur la bonne manière de poser le matériel et sur les grands principes. L’un de ces grands principes, c’est savoir protéger à bon escient, c’est-à-dire « ni trop », pour éviter de vite se retrouver « à poil » de protections au bout de 10 mètres, et « ni trop peu », c’est-à-dire protéger de manière régulière et ne pas hésiter à surprotéger les passages difficiles. Une attention toute particulière doit aussi être portée à la confection des relais en appliquant la règle des « 3 i » : un relais doit être Irréprochable, Inarrachable et Indestructible !
En TA il faut aussi savoir composer avec le terrain et utiliser tout ce qui se présente pour protéger sa progression ou bien confectionner un relais : arbres, lunules, becquets, … Comme dans le cochon, tout est bon dans le TA… tant que c’est solide et irréprochable !
Pour une première, c’est une belle première ! et nous engloutissons rapidement cette première voie en semi-TA. Nos stagiaires « terrain-d’aventuristes » se débrouillent comme des chefs et au sommet de la tête de Braque on commence à composer le menu du lendemain…
2ème jour :
Après une petite soirée au coin du feu et une bonne nuit dans notre petit gîte situé non loin de là, nous nous levons aux aurores pour profiter au mieux de la longue journée qui nous attend.
En effet, nous nous attaquons à une grande classique : l’arête sud-ouest de l’aiguille Déplasse. C’est une voie cotée modestement PD+ (AD dans le topo FFME) mais qui est tout de même une course de belle ampleur avec sa longue marche d’approche et de retour, son dénivelé total de 770 mètres, ses 8 longueurs et son caractère TA intégral pas du tout équipée (à part quelques pitons rouillés dans la voie). Bref, les choses sérieuses commencent…
La marche d’approche est vraiment superbe et sauvage. Nous remontons le Ravin des Charbonniers, un chemin d’accès dru où l’on virevolte entre forêt, dalles rocheuses, blocs et éboulis. C’est déjà presqu’une course en soi. On est seul au monde sur cette piste et c’est aussi ce qui donne du caractère à ce type de courses.
On met un peu de temps pour trouver le début de la voie et on reconnait enfin le dièdre couché caractéristique indiqué dans les topos.
L’escalade n’est pas très dure mais elle est belle et variée. C’est très bien pour une première en TA intégral. On utilise notre matériel pour se protéger mais aussi les becquets, les lunules et les arbustes présents sur la voie.
Il faut aussi trouver les endroits confortables où installer son relais. Le TA c’est ludique parce qu’il y a aussi ce côté exploration… On se régale vraiment !
Et plus on monte et plus les paysages du Caroux de révèlent majestueux avec cette lumière magique propre à la saison automnale.
La fin de l’arête, assez horizontale, s’effectue en corde tendue pour gagner un peu de temps. Un petit rappel de 15 mètres conclue cette arête et après avoir suivi une petite sente traversante nous arrivons au col du Roc du Caroux.
Nous nous apercevons alors que nous nous faisons « z’yeutés » par deux beaux mouflons tranquillement installés sur une crête.
La course n’est pas finie… il nous reste 770 mètres à descendre pour retrouver le parking des gorges d’Héric. Et c’est long… p….. c’est long !
Quand nous regardons en arrière on s’aperçoit alors qu’on a fait une sacrée boucle aujourd’hui.
On arrive enfin bien fatigué mais enchantés par cette superbe journée… Mais heureusement, ce soir, Vincent prépare une polenta qui va bien nous requinquer !
3ème jour :
Pour ce 3ème jour on décide de changer de coin et nous jetons notre dévolu sur le pilier Bosc, plus précisément sur l’arête sud de l’Aiguille à Marcel située dans les gorges de Madale près de Colombière-sur-Orb. Les gorges de Madale c’est un coin sauvage et perdu. C’est moins connu et fréquenté que les gorges d’Héric. C’est ce qui a attiré notre attention dans le topo.
Là aussi on se lève très tôt. En TA il faut prendre en compte les éventuels retards qui peuvent se produire et il faut donc se garder une marge de temps pour la sécurité.
La marche d’approche nous fait passer par de magnifiques endroits et une piste encore magnifique et sauvage.
Nous remontons les gorges de Madale par la rive droite. Nous découvrons alors des centaines de mètres de murets de soutènement en pierre sèche, c’est-à-dire sans utilisation de mortier. La redistribution des terres sous la Révolution de 1789 avait en effet permis à bon nombre de paysans et bergers de devenir petits propriétaires sur un territoire peu enclin à de vastes cultures. Par un épierrement massif, ces paysans et bergers délimitèrent leurs parcelles par des murs ou murets. Le propriétaire de notre gîte nous expliquera que cette région était une région de culture et que la forêt a repris ses droits assez récemment. On a du mal à le croire quand on voit la densité de la forêt… et pourtant ces murets en sont le témoignage.
Nous arrivons enfin au pied du pilier Bosc et l’arête que nous projetons de grimper. Aujourd’hui, le fond de l’air est frais et le vent souffle parfois forte rafale de nord-ouest. La météo est en train de changer après deux journées quasi estivales. Nous sommes cependant assez protégés sur ce versant sud.
La voie fait environ 8 longueurs comme l’aiguille Déplasse et elle est également entièrement TA. Le niveau est plus dur : on tape dans l’AD ou AD+ selon C2C (cotation D selon le topo de la FFME). Certains passages sont un peu plus techniques que la course de la veille. Tant mieux, ça corse un peu le tout et ce n’est pas pour nous déplaire.
Le cheminement est également moins évident (pour trouver le bon chemin la technique de base consiste à détecter les marques de passage par les grimpeurs précédents : là où il n’y a plus de mousse ou de lichen, c’est souvent là où ça passe…). Les passages sont également plus verticaux avec parfois une belle ambiance gazeuse. C’est chouette ! On savoure !
La pointe sommitale est en forme de marteau vraiment caractéristique. Ça donne envie de grimper tout en haut mais notre voie passe juste en dessous. Dommage ! enfin par pour tout le monde !….
Nous terminons cette voie vraiment satisfaits. L’apprentissage des techniques en TA commencent à être bien assimilées par Seb, Simon et Vincent. Cette seconde course en TA était encore idéale pour la formation.
Nous avons fini tôt la voie. Sur le chemin du retour Seb et Simon ramassent de belles châtaignes (une spécialité du coin) que l’on fera griller dans la cheminée le soir.
On trouve aussi un vieux piton rouillé… peut-être vestige des premières ascensions dans les années 30 ? On le plante là avec l’espoir de le retrouver quand on reviendra ? (parce que c’est sûr on reviendra !).
Dernier jour :
Pour ce 4ème jour, on ne se lancera pas dans de grands projets. Le retour sur Paris est long (7h30 de route) et la météo est très incertaine. On décide de finir notre séjour sur les couennes équipées « sportives » du rocher Marre dans les gorges d’Héric. On a bien fait… il commence très vite à pleuvioter et à crachounner. La qualité de la roche permet cependant de continuer à grimper même avec une relative humidité.
C’est aussi le temps idéal pour faire un peu de formation « théorique » au pied des voies. D’abord sur le pitonnage où l’on aborde les différents type de piton (cornière, lames, universel) et les différents aciers (mou / dur) selon les différents types de roche (pitons pour roche dure et pitons pour roche tendre). Pour le pitonnage il faut prendre en compte différents paramètres pour le placement et notamment le couple de torsion… en effet un piton c’est finalement une sorte de coinceur ! On fait « chanter » le piton pour savoir s’il est bien planté… s’il va vers des notes de plus en plus aigües c’est plutôt bon signe !
On finit par le mouflage grenouille, une technique qui peut permettre de sortir un partenaire en galère dans un passage et on s’amuse aussi à faire quelques noeuds débrayables… mais comme c’est hors sujet on en dira pas plus !
Nous finissons ce séjour avec des images plein les yeux et le sentiment d’avoir vécu de beaux moments qui resteront bien gravés dans nos têtes.
Un grand merci à Seb, Simon et Vincent pour leur sérieux, leur grande écoute, leur attention constante sur la sécurité et leur bonne humeur tout au long de cette sortie !
De mon côté, je suis sûr d’une chose : cette sortie va devenir une « classique » et je reviens l’année prochaine avec un nouveau groupe !
Thierry
Octobre 2020