Elle a beau être discrète, qui n’a pas déjà croisé Mathilde et son sourire, au pied de notre mur d’escalade ? Ou plutôt de nos murs d’escalade, car la jeune femme a connu notre ancienne structure artificielle du lycée Descartes. Oui, du haut de ses 29 ans Mathilde est déjà une ancienne du club, ce que l’on pourrait appeler une « figure » de l’Aspala, toujours assidue, qu’il pleuve ou qu’il vente. Une motivation sans faille, qui l’a même poussé à braver le froid et les kilomètres pour grimper une fois par semaine sur la meulière du viaduc des Fauvettes, quand notre gymnase était fermé pendant le deuxième confinement : « j’y suis allé avec Simon, puis Christophe. Par 5 degrés, on s’arrêtait en pleine voie parce qu’on ne sentait plus nos doigts. J’ai même fait un carnet, une sorte de topo perso, avec des commentaires de voies assez peu compréhensibles, comme « un peu bien dure, pas si difficile ».
Sa détermination ne date pas d’hier. Déjà, à 16 ans, lors d’une journée portes ouvertes de l’association, elle se voit refuser l’adhésion au club. « Trop jeune » lui répond le président d’alors, car avant 2017, l’Aspala n’acceptait pas les mineurs, et ne proposait pas encore de cours pour les adolescents et les enfants. Qu’importe, Mathilde s’inscrira alors à Verrière-les-Buissons pendant 3 ans. Puis reviendra à la charge en septembre 2013, à ses 18 ans.
Pourtant, rien ne prédestinait Mathilde à cette passion pour l’escalade. Petite, elle se définissait même comme « pas sportive du tout ». C’est sa mère, à son entrée en 6ème, qui lui demande de s’inscrire à l’Association sportive du collège, à Descartes. Mais les activités proposées ne font pas rêver la jeune fille : handball, gymnastique, football… Alors l’escalade lui apparaît comme une option envisageable : « C’était nouveau dans mon esprit. Ce n’était pas un sport d’équipe, si tu rates, c’est toi tout seul. Et finalement, ma mère a eu raison, ça m’a permis de me faire des potes. » Même si elle ne se sent pas très douée au début, elle persévère et se réinscrit en 5ème :
« ça m’a aidé à me sentir mieux dans ma peau, c’était aussi une façon de prendre soin de moi. Et ça m’a donné de l’élan pour les sports en général, en changeant ma vision de moi-même : non je ne suis pas nulle en sport. J’ai progressé en course à pieds, j’ai senti que je prenais du muscle. Au début, je n’avais pas peur de la hauteur, mais j’étais faible physiquement, je n’avais pas d’équilibre, j’étais maladroite. »
Une fois inscrite à l’Aspala, Mathilde sent vite les progrès : « je n’étais plus limité à un cours d’une heure et demi par semaine. Au bout d’un an, je grimpais bien dans le 6a. » La jeune femme côtoie désormais des grimpeurs adultes, qui lui transmettent leur expérience, lui donnent des conseils pour progresser techniquement, pour bien maîtriser l’assurage et les manip’ de sécurité.
Elle prend également goût à l’ambiance conviviale de l’Aspala. « On se sent vite bien dans ce club. Je me souviens de bouffes chez Alex, ou de Perrine qui m’a tricoté un bonnet. Un jour, pour la Chandeleur, on s’est envoyés des mails pour apporter des crêpes au gymnase : tout le monde a tellement bien joué le jeu qu’on a fini la soirée dehors, à écluser une quantité de crêpe incroyable. C’est aussi ça l’Aspala, il y a bien sûr l’escalade, mais pas que. »
Si elle n’a jamais fait partie du bureau ou du conseil d’administration, Mathilde reste une adhérente investie : elle répond toujours présente pour être responsable de séance, ou « signaleuse » pour le semi-marathon d’Antony, quand la ville demande à chaque association de fournir des bénévoles pour l’organisation. Elle participe aussi régulièrement aux sorties en falaises organisées par le club, en Bourgogne, à Orpierre, ou dans les Alpes.
Quand le projet du nouveau mur d’escalade du complexe sportif La Fontaine est apparu, il lui a fallu patienter de longs mois (même quelques années ! ), à cause des retards de livraison, et d’une date d’ouverture au public plusieurs fois reportée… « On était tous dans les starting block, et quand nous avons enfin pu découvrir la nouvelle SAE, j’ai d’abord trouvé ça super dur, car je n’étais pas une grimpeuse de dévers ! ». Elle évite dans un premier temps les voies les plus penchées, mais se régale sur les murs verticaux : « les premières ouvertures étaient vraiment magnifiques, j’ai encore un souvenir ému d’une 6C blanche, et d’une 7A jaune, ça m’a motivé à travailler les voies ». La spécialité de Mathilde ? Les réglettes et toutes les prises minuscules que le commun des mortels n’envisage même pas de toucher : « je ne sais pas comment m’est venue ma force dans les doigts, sans doute sur le mur de Descartes, plus vertical, avec ses vieilles prises et ses ouvertures « old school ». Et comme je ne suis pas grande, j’ai souvent utilisé des prises de pieds pour atteindre les meilleures préhensions. » Mais un jour Mathilde se fait mal sur une voie très « à doigts », et décide, un peu par défaut, de se frotter aux gros dévers de notre mur actuel, moins traumatisants pour ses mains : « j’ai pris 3 kilos, et je ne pense pas que ce soit que du gras, j’ai dû prendre pas mal de muscle aussi ! Les gros mouvements physiques, et les jetés, ce n’était pas fait pour moi. Au début, même les 6A faciles du dévers, je n’y arrivais pas. »
L’escalade est maintenant une composante essentielle dans son équilibre de vie, elle qui travaille depuis plusieurs années sur sa thèse de grec ancien, en plus de son job de prof de français : « j’ai vraiment pris goût à l’effort physique, et à la concentration que requiert cette discipline. C’est un cercle vertueux, à force de pratiquer, on comprend mieux son corps, on ajuste ses mouvements, on améliore son équilibre. » Et désormais, incroyable, elle reconnaît même prendre goût aux prises plates ou rondes… Vous l’aurez compris, il ne sera pas facile de la faire décrocher !
Rédaction et photos : Jérémie